Les répercussions des violences conjugales : un impact sur la totalité des membres de la famille

Mis à jour le 04/12/2023

Index d'articles

Les victimes

Les violences conjugales peuvent avoir de graves conséquences sur la santé des femmes.

Traumatologie : ecchymoses, hématomes, brûlures, fractures, lésions cachées par les vêtements, plaies, que la victime justifie souvent par des chutes dans l’escalier.

Pathologies cliniques : affections pulmonaires, cardiaques, troubles du métabolisme…

Psychiatrie : troubles du sommeil, émotionnels (culpabilité, impuissance), psychosomatiques, cognitifs, troubles de l’alimentation, état de peur, d’angoisse, de silence, emprise des conduites additives (tabac, alcool, drogues, médicaments) qui seront dénoncées par l’agresseur pour discréditer la victime.

Gynécologie : douleurs pelviennes inexpliquées, troubles de la sexualité ou des règles, lésions traumatiques, infections génitales et urinaires. La victime cache ces violences, souvent accompagnée par un partenaire « prévenant » qui parle à sa place.

Obstétrique : la grossesse peut être un facteur de risque; la fréquence des violences s’en trouve accrue et débouche sur des déclarations tardives de grossesse, des demandes d’IVG, des conduites addictives, des grossesses qui ne peuvent être menées à terme (mort fœtale) ou avec des retards de croissance in utero...

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PHYSIQUE PSYCHIQUE ET COMPORTEMENTAL SANTÉ SEXUELLE ET REPRODUCTIVE MALADIE
  • Blessures à l’abdomen, au thorax
  • Traumatismes cérébraux
  • Brûlures, coupures
  • Fractures
  • Handicaps
  • État de stress post-traumatique
  • Dépression/anxiété
  • Troubles alimentaire/du sommeil
  • Pensées et comportements suicidaires
  • Dépendance à l’alcool, au tabac, à la drogue
  • Comportements sexuels à risque
  • Douleurs pelviennes chroniques
  • Hémorragies- infections vaginales
  • Infections urinaires
  • Complications lors de la grossesse,
    Fausses-couches
  • Grossesses non désirées, avortements dangereux
  • VIH, autres MST
  • Arthrite, Asthme
  • Cancer
  • Maladie cardiovasculaire
  • Accident vasculaire-cérébral
  • Diabète
  • Maladies du foie, des reins
  • Hypertension

Plus récemment identifiés et encore sous-estimés : les troubles psychotraumatiques.

Les victimes de violences conjugales sont exposées à des conséquences traumatiques avec de lourdes répercussions sur leur santé pouvant représenter un risque vital (dépression, risque suicidaire, addictions…). Les violences, à l’origine d’un stress extrême, imposent la mise en place de mécanismes neurobiologiques exceptionnels de sauvegarde (disjonction) et sont à l’origine d’une mémoire traumatique et d’une dissociation avec anesthésie émotionnelle et physique.

La conduite des victimes peut apparaître paradoxale et déroutante pour les professionnels. Pourtant il s’agit de réactions normales à des situations anormales que sont les violences. Ces symptômes servent l’agresseur et desservent la victime, la rendant ainsi encore plus vulnérable.

Après la dépression, l’addiction est le deuxième trouble comorbide de ces états de psychotraumatismes. L’alcool, les médicaments sont souvent pour les victimes des tentatives de réponse pour lutter contre l’état de stress permanent engendré par les violences conjugales.

Ces consommations peuvent nuire au repérage des situations de violences conjugales car d’une façon générale les femmes sont plus stigmatisées que les hommes quant à la consommation de substances. C’est pourquoi il est important de ne pas activer le cliché de la «mauvaise femme» ou de la «mauvaise mère» mais de questionner la femme sur ce qui engendre la prise de substance.

Du point de vue économique et social, les conséquences des violences se traduisent par des situations de précarité et d’exclusion : difficultés financières, d’hébergement et de logement, isolement, difficultés administratives (obtention ou renouvellement de titre de séjour pour les femmes étrangères victimes de violences), d’insertion professionnelle…

La détérioration de la qualité de vie globale des victimes qui en découle leur fait perdre, en moyenne, quatre à cinq années de vie en bonne santé. Le taux de suicide des victimes est multiplié par cinq. Il n’y a pas de profil type de victimes de violences. La meilleure façon de les repérer : le questionnement systématique.

À CONSULTER :

  • Dr Muriel Salmona / Psychiatre psychothérapeute - http://memoiretraumatique.org/
  • Lettre n°18 de l’Observatoire national des violences faites aux femmes - Novembre 2022

Les enfants

143 000 enfants vivent dans des foyers où des femmes sont victimes de violences conjugales.Les enfants exposés à ces violences sont aujourd’hui considérés comme des victimes à part entière qu’ils aient subi directement ou indirectement des formes de violences. De nombreuses études montre qu’environ «40 à 60% des maris violents sont aussi des pères violents […] Dans une étude faite en Italie, sur un échantillon de 773 adolescent.e.s, quand le père inflige des violences physiques à la mère, dans 44% des cas il est aussi physiquement violent envers les enfants et, dans 62% des cas, il est psychologiquement violent [...].» 1 Les recherches décrivent ses pères comme «peu impliqués, peu empathiques, utilisant beaucoup de renforcements négatifs et peu de renforcements positifs, se mettant facilement en colère et susceptibles d’utiliser la force physique et verbale dans leurs méthodes disciplinaires. […] Une propension au dénigrement et à l’instrumentalisation de l’enfant s’ajoute à ce style parental marqué par la distance et l’impulsivité.» 2 Malgré ses résultats, il semble que les représentations communes continuent de dissocier conjugalité et parentalité et contribue à faire perdurer la croyance selon laquelle un homme violent peut être un bon père.

De plus, la confusion entre conflit et violences au sein du couple conditionne encore des réponses inadaptées, qui augmentent le risque de nouveaux passages à l’acte et donc la mise en danger des enfants. Les agressions physiques, sexuelles, verbales, psychologiques et économiques créent un climat d’insécurité, d’instabilité et d’imprévisibilité pour l’enfant. Ce contexte de terreur va affecter l’enfant dans sa construction et tout au long de son développement. Prisonnier d’une «bulle», il s’enferme dans le silence, ce qui favorise sa culpabilité. Il aura alors du mal à identifier et gérer ses émotions et il peut faire l’apprentissage de la violence comme mode de «régulation» des conflits.

Aux différents stades de développement de l’enfant, certains de ses besoins fondamentaux ne seront pas ou plus assurés. Les répercussions visibles peuvent prendre la forme de troubles du sommeil, de l’alimentation, des retards de développement, d’actes d’agression, de brutalité ou de cruauté. Sont notés par ailleurs l’adoption de comportements à risques, d’absentéisme scolaire, avec des risques de fugues et de suicide et plus tard un comportement très stéréotypé dans ses conceptions du rôle des femmes et des hommes dans la société. L’impact de ces violences peut se révéler par un syndrome de stress post-traumatiqueavec une diversité d’effets négatifsaffectant tant le développement de l’enfant que ses comportements.

Si l’exposition à la violence est un facteur de risque significatif, les facteurs de protection existent aussi : toute intervention visant à la sécurisation de l’enfant et de sa mère, puis à la réparation des effets de la violence peut donc favoriser la résilience.

Toutes les mesures et actions portées en matière de lutte contre les violences conjugales, contribuent directement ou indirectement, à la protection des enfants.

Les situations de violences conjugales appellent une attention spécifique à la protection et au soutien de la victime, au risque de proposer une réponse partielle et inadéquate au traitement de la situation, préjudiciable également à l’enfant.

1 ROMITO. P. (2011). Les violences conjugales post-séparation et le devenir des femmes et des enfants. La revue internationale de l'éducation familiale, 29, 87-105.  https://doi.org/10.3917/rief.029.0087

2SEVERAC. N. Les enfants exposés aux violences conjugales. Novembre 2012. https://www.fondation-enfance.org/wp-content/uploads/2016/10/onpe_enfants_exposes_violence_conjugales.pdf

 

À CONSULTER :

 Les auteurs

En France, les premiers travaux de recherches 1 au sujet des auteurs de violences conjugales datent de 2006 et déterminent 3 profils types des auteurs :

  • Le sujet immature
  • Le sujet égocentrique
  • Le sujet immaturo-pervers

Cette typologie réalisée parle docteur Roland Coutanceau est le point de départ d’une réflexion sur la prise en charge desconjoints violents.

L’évaluation criminologique de ces 3 profils peut se faire à partir de 5 items :

1 COUTANCEAU. R. 2006. Groupe de travail. Auteur de violences au sein du couple. Prise en charge et prévention.

En 2019, le Grenelle contre les violences conjugales vient renforcer l’accompagnement des auteurs en faisant de cet enjeu un axe prioritaire de la lutte contre les violences faites aux femmes. En effet, au-delà d’une réponse pénale et d’une répression judiciaire,le Grenelle fait apparaître la nécessité d’accompagner de manière globale les auteurs de violence. Un appel à projet est alors lancé dès 2020, afin de mettre en place deux Centres de Prise en Charge des Auteurs de violences conjugales (CPCA) par région. Ce dispositif a pour but d’assurer un suivi psychologique et social des auteurs pour faire changer leurs comportements durablement et ainsi mieux prévenir la récidive.

Des travaux plus récent, commandité par le ministère de la Justice s’attache à analyser les parcours des auteurs. En effet, les recherches du sociologue Eric Macé 1 ont pour objectifs de mieux connaître les conditions sociales des auteurs de violence conjugales, leurs logiques d’actionsainsi que les dimensions sociales et genrées qui sous-tendent ces violences.

Les premiers résultats de cette enquête montrent quetous les milieux sociaux sont concernés pas les violences conjugales mais que ces violences ne se manifestent pas de la même manière selon le milieu social de l’auteur.«On observe tout d’abord, principalement dans les milieux pauvres et précarisés, des formes habituelles de violences psychologiques (injures, disqualification) ou physiques contre le partenaire intime. […] On observe ensuite d’autres formes de violence anomique, mais propres cette fois à des milieux sociaux mieux insérés socialement et qui s’inscrivent dans des masculinités moins tyranniques que déstabilisées et contrariées. Il s’agit de violence souvent liée à deux éléments propres aux masculinités : un rapport contrarié au contrôle et/ou un déficit de compétence relationnelle et émotionnelle. Le cas typique est celui d’un geste violent dans une situation tendue liée à une séparation difficile. […] On observe enfin des formes de violences plus structurées et sans doute intrinsèquement plus porteuse de récidives et dans des formes de plus en plus graves que les formes précédentes, et qui peuvent se trouver dans tous les milieux sociaux, y compris dans les milieux les plus favorisés. […] Deux cas de figure se présentent. Soit que ce contrôle constitutif de leur identité masculine s’exerce dans la relation à travers des dispositifs d’emprise, où la violence physique, même si elle n’est pas souvent exercée, apparaît comme un potentiel omniprésent. Soit qu’à l’inverse, lorsque la rupture non désirée déclenche une volonté de reprise de contrôle qui se traduit par des formes de harcèlement (injures, menaces de mort ou de suicide, filatures, traques sur les réseaux sociaux, présence physique imposée) et/ou de violence extrême envers celle désignée de façon obsessionnelle comme la cause unique du ressentiment et dont l’auteur serait victime.» 2.

Pour conclure, Eric Macé insiste sur le caractère essentiel d’une prise en charge globale des auteurs de violences conjugales notamment en abordant avec ceux-ci la question des stéréotypes de genre, des masculinités ou encore du contrôle qui soutient la domination et la violence à l’égard des femm es.

1 MACÉ. E. (2021). Les auteurs de violence contre leur partenaire intime. Diversité des logiques d’action et des enjeux de soin. Journal du Droit de la Santé et de l’Assurance - Maladie (JDSAM), 30, 45-48.  https://doi.org/10.3917/jdsam.213.0045

2 MACÉ.E. (2021). Les auteurs de violence contre leur partenaire intime. Diversité des logiques d’action et des enjeux de soin. Journal du Droit de la Santé et de l’Assurance - Maladie (JDSAM), 30, 45-48.  https://doi.org/10.3917/jdsam.213.0045

A CONSULTER :

Auteur de violences au sein du couple. Prise en charge et prévention. Roland Coutanceau (2006)
Les auteurs de violence contre leur partenaire intime. Diversité des logiques d’action et des enjeux de soin. Éric Macé (2021)
Nos pères, nos frères, nos amis. Dans la tête des hommes violents. Mathieu Palain (2023)